22 Mars 2021, journĂ©e mondiale de l’eau
Une histoire d’eau rebelle. Une fiction dictĂ©e par l’actualitĂ©: le 7 dĂ©cembre 2020, l’eau Ă©tait, pour la premiĂšre fois, cotĂ©e en Bourse…Â
Auteurs: les signataires indiqués en bas de page*
Il est 7 heures du matin, nous sommes le 7 décembre 2021.
Les habitants de Chicago sont rĂ©veillĂ©s par un vacarme monstrueux. Lâeau du fleuve Hudson est sortie de son lit et envahit les rues de la ville, en se dirigeant vers le West Jackson Boulevard lĂ oĂč siĂšge le Chicago Board Trade Building, le bĂątiment de la Bourse de Commerce de Chicago, une des plus importantes Bourses au monde. Certainement la plus importante pour les transactions commerciales sur les matiĂšres premiĂšres.
En quelques minutes, (lâeau forme) un immense torrent tumultueux (et Ă peine elle) dĂ©ferle dans le Boulevard et se transforme en une gigantesque vague tourbillonnante qui dĂ©membre et engloutit lâimposant building, un gratte-ciel de 184 mĂštres de haut. Câest un spectacle ahurissant, effrayant, auquel la population assiste impuissante. Lâeau se retire ensuite de la ville aussi rapidement quâelle y Ă©tait entrĂ©e.
Quelques minutes plus tard, on apprend que le mĂȘme sort a frappĂ© simultanĂ©ment, sans tenir compte des fuseaux horaires, les Bourses des principales villes du monde. Les fleuves indignĂ©s sont entrĂ©s en guerre et, par voie souterraine, sapent les fondations, se roulent en dĂ©ferlantes, se transforment en geyser pour anĂ©antir les grands temples spĂ©culatifs de la planĂšte sis Ă Los Angeles, New York, MontrĂ©al, Ottawa, Vancouver, Sao Paulo, Rio de Janeiro, Santiago, Buenos Aires, Londres, Amsterdam, Paris, Berlin, Francfort, Munich, Moscou, Shanghai, PĂ©kin, Tokyo, SĂ©oul, Hong Kong, Mumbai, New Delhi, Bangalore, Johannesburg, IstanbulâŠ
La peur, le désarroi et un sentiment de fin du monde dominent.
Les peuples sâinterrogent sur les raisons qui ont causĂ© cette catastrophe planĂ©taire.
La question centrale est : « Pourquoi les Bourses ont-elles Ă©tĂ© partout la cible principale des forces fluviales ?» Des explications les plus fantaisistes circulent, y compris celle immanquable dâune invasion de la Terre par des extraterrestres.
Aucun gouvernement, aucun scientifique, personne ne fait le lien avec la dĂ©cision prise un an auparavant, jour pour jour, le 7 dĂ©cembre 2020, par la Bourse de Chicago, de « faire entrer en Bourse » lâeau, en tant que matiĂšre premiĂšre. Ceux qui en avaient entendu parler, une infime minoritĂ© de personnes, avaient presque oubliĂ© lâaffaire. Or, les Ătats nâavaient pas participĂ© Ă cette dĂ©cision prise par des sujets privĂ©s, indĂ©pendamment des autoritĂ©s publiques.
Pour les fleuves, la mise en Bourse de lâeau reprĂ©sente la goutte qui les a fait sortir de leur lit.
ĂpuisĂ©s par les prĂ©lĂšvements excessifs qui, aprĂšs de trĂšs nombreuses dĂ©cennies dâexploitation, ont dĂ©vastĂ© leur capacitĂ© de rĂ©gĂ©nĂ©ration ; massacrĂ©s par les dĂ©versements des dĂ©chets urbains, agricoles et industriels ; rendus malades par les pollutions et les contaminations, les fleuves avaient, Ă plusieurs reprises, essayĂ© de faire comprendre aux humains quâils nâen pouvaient plus et quâil Ă©tait temps que les humains cessent de les dĂ©truire⊠HĂ©las, sans grands rĂ©sultats !
La mise en Bourse de lâeau, Ă savoir la soumission de lâeau Ă une exploitation finale selon les logiques spĂ©culatives de la finance mondiale, a Ă©tĂ© vĂ©cue par les fleuves comme le coup de grĂące infligĂ© par les prĂ©dateurs humains, lâinacceptable les obligeant Ă prendre leur destin en main.
RĂ©unis dâurgence le 5 dĂ©cembre 2021 en un Forum Mondial des Fleuves sur la SĂ©curitĂ© de la Vie de la Terre, ils ont pris Ă lâunanimitĂ© deux rĂ©solutions fondamentales et irrĂ©vocables.
La premiÚre : faire la paix entre eux afin de célébrer leur unité légitime, indispensable à toute action commune et concertée, au grand damne des humains, ayant créé et entretenu depuis des millénaires des conflits géopolitique néfastes.
La seconde : inonder et engloutir les Bourses du monde entier, lançant ainsi un message clair à tous:
« La Terre est la maison de vie de tout ce qui est vivant.
Malheur aux humains qui ont vendu la Maison des Habitants de la Terre
aux prĂ©dateurs assoiffĂ©s dâargent ! »
En ces heures bouleversĂ©es par lâinsurrection des fleuves, nous ne pouvons prĂ©dire la suite des Ă©vĂ©nements. Doit-on craindre que la dĂ©raison des humains nâait pas de limites ? Dans ce cas, prĂ©parons-nous Ă la rĂ©volte pacifique de lâHumanitĂ©, en alliance avec nos frĂšres, Les Fleuves du Monde.
Les auteurs
Maria Palatine et Bernard Tirtiaux, auteurs/compositeurs de « LâHymne de lâeau » (2005) et de lâopĂ©ra « Le chant dâEos » (2006), Pietro Pizzuti, auteur de la piĂšce de théùtre « Lâeau du loup » (2008), Riccardo Petrella, auteur de « Le Manifeste de lâeau » (1998), « Au nom de lâhumanitĂ© â Lâaudace mondiale »  (2018)
*Cosignataires
Luis Infanti de la Mora (Ă©vĂȘque dâAysĂ©n, Chili, auteur dâune lettre Ă©piscopale « Donne-nous notre eau quotidienne ») ; Marcelo Barros, BrĂ©sil (O espirito vem pelas aguas) ; Martine Chatelain, QuĂ©bec (Eau Secours) ; Jean-Pierre Wauquier, France (HÂČ0 sans frontiĂšres) ; Anibal Faccendini , Argentine, (promoteur du droit Ă la carafe publique introduit dans la province de Santa FĂ©) ; Alain Adriaens, Belgique (auteur sur les questions de sĂ©cheresse) ; Pierre Galand, ancien sĂ©nateur (co-promoteur de lâAssemblĂ©e mondiale des Ă©lus et citoyens pour lâeau, Parlement europĂ©en, 18 mars 2007).